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Expédition Nager au-delà des frontières

Carnet d'expédition

 

"L’expédition Nager au-delà des frontières a pour but d’aller au-delà de toutes les frontières, des continents, des Etats qui gouvernent les hommes et des conflits qui les séparent. Nos parcours respectifs de nageurs se sont rejoints autour de cette idée, c’est pourquoi Philippe Croizon et moi-même avons mené une expédition en quatre volets. Il s’agissait de nager ensemble pour relier symboliquement les cinq continents :

En longeant tout d’abord la côte de Papouasie-Nouvelle-Guinée vers l’Indonésie, de l’Océanie à l’Asie, ensuite l’Egypte à la Jordanie pour relier l’Afrique à l’Asie, puis de l’Espagne au Maroc pour rattacher l’Europe à l’Afrique et enfin, des îles de Diomède dans le détroit de Bering, des Etats-Unis à la Russie, pour jeter un pont entre l’Amérique et l’Asie.

 

Bien sûr, ce n’est pas nous qui allons adoucir le point de vue de ceux qui se haïssent et se déchirent, mais il ne nous paraît pas pour autant superflu de rappeler que l’homme peut employer son énergie à d’autres projets que le piratage et la domination de son prochain. Et s’il y a quelque chose que notre périple peut indiscutablement prouver, c’est que tout rêve peut être réalisé pour qui le veut vraiment, au plus profond de soi, de toute son âme, de tout son cœur.

 

Pour mener ces expéditions, il nous a fallu vaincre les peurs, les doutes, les tracasseries de l’administration, mais en contrepartie nous avons rencontré des peuples très différents, des Papouans aux Inuits, en passant par les Bédouins et les Berbères. Nous avons abordé ces populations avec le plus de respect possible et avons eu la chance de partager leur quotidien, leurs coutumes, tout en appréhendant les difficultés liées aux différents climats. Nous avons également été reçus par les plus hautes autorités, notamment pour négocier les autorisations des traversées ; rencontrer diverses couches de la société en Papouasie-Nouvelle-Guinée, deuxième plus grande île au monde après le Groenland. Nous savions que nous allions découvrir un pays luxuriant et montagneux, localement encore peu exploré. L’ambassadeur de France nous a confié que des habitants des villages distants de dix kilomètres ne s’étaient peut-être jamais rencontrés. Environ sept cents langues différentes sont parlées par plus de trois cents ethnies.

 

Nous souhaitions avec Philippe donner à notre projet une dimension humanitaire et avons choisi de soutenir l’action d’Handicap International dans sa lutte contre les mines anti-personnel et les bombes à sous-munitions qui, chaque année, mutilent des milliers d’enfants. Sur place, nous avons visité des centres d’accueil pour découvrir comment est perçu le handicap. Est-il rejeté ou caché comme cela a longtemps été le cas en France ? Pour le savoir, nous nous sommes rendus dans plusieurs établissements, notamment à Vanimo en Papouasie, au centre « Senta Bilong Helpim » où séjournent une vingtaine d’enfants handicapés. Pas moins de deux cents bénévoles se relayent afin d’assurer les tâches de la structure qui fonctionne grâce aux maigres aides gouvernementales et à des fonds australiens.

 

Nous avons pu nous rendre compte à quel point les Papouans sont solidaires face au handicap. Un jour de marché à Vanimo, nous déambulions au milieu de bâches servant d’étals où les rares légumes sont exposés avec des poissons presque carbonisés pour une meilleure conservation, quand nous avons été arrêtés par une foule qui s’est massée autour de Philippe. Un à un, les villageois lui ont donné de l’argent. Leur attitude n’était pas sans nous surprendre, d’autant qu’ils affluaient et que l’un d’eux a passé un sac autour de la tête de mon camarade pour y amasser des billets. Nous avons interprété cet élan de générosité comme un geste d’admiration mais aussi de compassion. De manière à prolonger cette chaîne de solidarité, dès le lendemain nous avons remis l’argent recueilli à un centre.

 

De l’autre côté du globe, en Alaska, nous étions installés chez l’habitant, coupés du monde et de l’eau courante. Que Philippe ne dispose plus de ses membres ne semblait guère les impressionner : leur vie est tellement rude qu’ils n’ont peut-être pas la même sensibilité que nous ; des chasseurs et des enfants périssent chaque année d’accidents dans les froids extrêmes de l’hiver. L’ambiance était cependant joyeuse, nous avons participé à la vie locale et avons même testé les danses traditionnelles, très importantes chez les Inupiaks. Ces danses, qui rappellent les gestes du quotidien, la chasse, la pêche, la cuisine, passent en boucle dans les téléviseurs qui ne reçoivent pas les ondes hertziennes.

 

Les chasseurs nous ont emmené en bateau sur la Petite Diomède, île perdue à quarante kilomètres de la côte, d’où nous sommes partis pour traverser jusqu’à l’île d’en face, la Grande Diomède, côté russe. Le Kremlin nous avait donné toutes les autorisations pour entrer sur le territoire, mais l’armée stationnée sur place n’étant pas du même avis, nous n’avons jamais pu débarquer… Notre traversée, bien équipée que nous étions de combinaisons en néoprène souple capable de nous protéger d’une eau à 3°C, s’est donc finie dans les eaux territoriales russes, à quelques centaines de mètres de la plage.

 

La deuxième étape en Egypte et en Jordanie a été moins joyeuse à cause de la situation politique et militaire. La rencontre avec des jeunes Palestiniens, Jordaniens, et Israéliens m’a ouvert les yeux sur la réalité de leur situation. Le point qui me paraît le plus intolérable est le problème de l’eau. L’occupation de la Cisjordanie et des hauteurs du Golan par Israël lui donne le contrôle de l’eau. Le Jourdain et d’autres cours d’eau ont été détournés de leur lit pour assurer l’irrigation des terres cultivées, ce qui provoquent le tarissement de la mer Morte. Un grand nombre de villages Palestiniens ne reçoivent l’eau que quelques heures par semaine, obligeant la population à faire des réserves dans des bidons, et dans des conditions d’hygiène souvent hasardeuses. Depuis toujours, les Palestiniens ont appris à gérer l’eau en fonction de l’aridité de la région. Les habitants des colonies ont en revanche un accès à l’eau illimité, à la façon européenne, et cette inégalité ajoute aux tensions.

 

Notre équipe a été très chaleureusement accueillie en Jordanie par le Prince Raad, parent du roi Abdallah de Jordanie, et son fils le Prince Mired. En Egypte, dans un contexte très tendu, en pleine élection présidentielle de l’après Moubarak, le gouvernement en place s’est largement mobilisé en notre faveur pour obtenir les autorisations de traversée. Nager au-delà des frontières a pris toute sa dimension dans le Golfe d’Aqaba, l’un des berceaux de notre civilisation et de nos religions."

 

 

 

 

Teaser Nager au-delà des frontières

 

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